Une règle d'Or

La nouvelle Berlinette.

Je ne sais pas ce que mijotent les stylistes de la Régie Renault, lorsqu'ils planchent sur cette nouvelle Alpine, car il faut une sacrée dose d'imagination pour créer une auto qui aurait évolué au fil des années, comme la Porsche; par exemple.

Certains impératifs techniques seront déterminants: moteur transversal, châssis Caterham, rapport poids-puissance, empattement, position au volant et le volume intérieur, etc… Le cahier des charges inévitable.
Mais l'esthétique?

Il s'agira -nous l'espérons- d'une voiture de sport, adaptable à la compétition. Or la belle vieille A110 a séduit autant par ses performances que par son style. J'allais dire: par son charme. Et à quoi tient le charme? A l'esthétique bien sûr. Donc, à l'harmonie des formes, des volumes. ce qui est le cas de notre berlinette. Je me plais à penser que Jean Rédélé a particulièrement soigné ce domaine, dans l'élaboration de sa voiture.

Les proportions. Voilà le secret. Cela consiste a observer certaines lois mathématiques qui viennent de loin dans l'histoire.

Oui, il s'agit bien de lois et elles sont incontournables, si l'on veut séduire.

Chiffres à l'appui, je vous en parlerai prochainement. Mais je suis certain que quelques uns d'entre vous ont leur petite idée…

Certes, ce n'est qu'une voiture, diront certains. Mais quelle voiture.

Ce n'est pourtant pas un chef d'œuvre de technologie et sans être expert en mécanique automobile, il faut reconnaître que nous ne sommes pas en présence d'un concept révolutionnaire, hormis le châssis poutre et la coque en polyester qui composent un ensemble efficace à la tenue de route de la voiture et c'est là son point fort.

Jean Rédélé n'a pas cherché à révolutionner le monde de la compétition automobile; il a tout simplement construit sa voiture avec les moyens du bord et "un peu" d'intelligence, afin de satisfaire son penchant pour la compétition.

En partant d'une simple 4 CV Renault de légende, il a abouti à cette petite merveille, qui plus d'un demi siècle après sa naissance, suscite encore les passions; des plus anciens jusqu'aux plus jeunes.

Mais quelles sont les raisons de cet engouement? Pourquoi au premier coup d'œil, les regards se font admiratifs, séduits par le charme qui se dégage de cette petite voiture? Les plus jeunes ne soupçonnaient pas qu'elle put exister, les plus vieux s'étonnent qu'elle existe encore et s'emploient pour un grand nombre à la faire perdurer.

Alors, que se passe-t-il dans l'esprit de ceux qui découvrent ou redécouvrent cette voiture hors du commun, et qui n'a pas changé depuis sa naissance?

La beauté? L'esthétique de ses formes? Son aspect modèle réduit? Son incroyable comportement routier, sans additifs sophistiqués (anti-patinage, pont autobloquant, ABS et une liste d'assistance de toutes sortes) ? Juste; et ne l'oublions pas, la potion magique d'Amédée Gordini, dit le "sorcier", qui a réveillé les purs sang qui dormaient dans ce petit moteur tout simple.

Regarder une Berlinette négocier les virages improbables des routes de montagne est déjà un spectacle de funambule. Mais si on n'a pas eu la chance de la piloter dans ces conditions, on ne peut connaître le plaisir que procure cette pratique de haute voltige.

Lorsqu'elle se lance à l'assaut de ces terrains hostiles, même enneigés, l'harmonie de ses formes en mouvement prend alors, une autre dimension. La Berlinette se transforme en un redoutable animal sauvage, s'agrippant à la route, dans des trajectoires parfaites. La belle esthétique prend alors toute sa valeur. Sa beauté statique se trouve sublimée par le mouvement. Comme chez un athlète, dont l'harmonie du corps est exacerbée, lorsqu'il accomplit sa performance. Un coup de volant à gauche, un coup à droite et elle balance son arrière train en mal de séduction; et ça marche.

Mais laissons là les images de rhétorique délirantes. Cherchons plutôt à comprendre, à quoi tient le charme particulier de cette petite auto.

En règle générale, l'harmonie des proportions est régie par le nombre Phi: le fameux Nombre d'Or, bien connu des architectes, bâtisseurs de cathédrales. Certains considéreront que c'est de" l'hébreu"! Faux, c'est du grec et d'un certain Pythagore.

En bref, si l'on regarde de plus près les proportions de notre Berlinette, on se rend compte qu'elle répond à ce critère. D'aucuns s'étonneront de la comparaison entre une Alpine et une cathédrale!..

Et pourtant, tel est le cas. Au demeurant, la nouvelle et magnifique Aston Martin One 77 a été conçue selon les mêmes critères, aux dires de ses concepteurs. Regardez-là et vous comprendrez ce qui suit.

Tout dans la nature obéit à cette règle, y compris les êtres que nous sommes.

Une règle d'Or

La coque de la Berlinette vue de profil - je dis bien: la coque nue - mesure quatre fois sa hauteur. Elle s'inscrit dans un rectangle de rapport de 4X1: soit quatre carrés, donc deux rectangles de proportions 2x1 (la base au sol, de la construction des cathédrales gothiques). Ainsi, à partir de l'un de ces deux rectangles, on détermine par un tracé géométrique, le rectangle d'or, dans lequel s'inscrit la largeur de la coque, dont le rapport est de 1,6 très proche du nombre phi (φ): la Divine Proportion.

Une règle d'Or

Ce rectangle est généralement perçu par 90% des observateurs, comme le plus harmonieux par rapport à d'autres figures de dimensions différentes.

Cette démonstration n'est peut-être pas évidente pour tout le monde; mais il suffit d'observer. Rassurez-vous, je ne suis pas un "matheux", mais curieux.

Qui était styliste chez Alpine? Je crois savoir qu'à l'origine, jean Rédélé avait fait appel pour la A106, à Michelotti, le grand carrossier italien. Il est fort à parier qu'il n'a pas tracé son épure au hasard. Quoiqu'il en soit, ces critères sont de toute évidence, un des éléments de base du succès de l'Alpine. Car, ne l'oublions pas; la vision d'un bel objet, d'un bel homme, d'une belle femme ou d'un bel animal, détermine l'intérêt qu'il provoque chez son observateur: un certain plaisir, dû à l'effet-miroir qui renvoie dans ce cas une image positive de cette vision, donc une forme d'empathie en sa faveur.

Doit-on conclure que la Berlinette est une œuvre d'art? J'entends déjà le tollé que doit provoquer cette idée. Il est vrai que la conception d'une machine doit répondre en priorité aux impératifs techniques, à ses performances. Or, il se trouve que les performances d'une voiture dépendent des mathématiques et quand nous savons que ces formules mathématiques sont présentes chez les plus grands artistes peintres (voir Poussin ou Léonard de Vinci), on peut je crois, affirmer que dans le cas de la Berlinette, une part de création artistique est bel et bien présente. Plaise aux ingénieurs qui préparent -à ce que l'on dit- son évolution, de préserver ces règles d'esthétique.
La Berlinette est pour moi une sculpture animée et rendue vivante dans les mains de ses pilotes.

Le jour où mon Alpine fit son retour à la maison, après un lifting, digne des beaux quartiers; une amie s'exclama en voyant pour la première fois ce modèle de voiture:

"Quelle merveille! Elle est magnifique. Elle est belle comme une jolie femme!"
J'ajouterais: " Qui ne vieillit pas".

Comment dans ce cas, résister au plaisir de tomber amoureux de cette voiture, quand on est un homme et de l'admirer; lorsque l'on est une femme ?

Sacrée Berlinette.


R.Pouret

Publié dans #Carrrosserie

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